coup de bulle avec valérie devis et michel mommaert

Tous ensemble est un pari doublement ambitieux et dont le résultat final atteint son objectif : associer un trio rompu à la BD Jeunesse (Joris Chamblain, Sandrine Goalec et Drac) à un duo d’experts (Michel Mommaert et Valérie Devis) pour explorer des terrains inconnus et composer à dix mains une BD qui s’inscrit dans un plan d’action de l’URSFA, dont l’objectif est d’éradiquer toute forme de discrimination et d’inégalité.

À l’occasion de la sortie, le duo d’experts, Valérie Devis et Michel Mommaert, répondent à nos questions.

Au grand magasin
Quelle en a été la genèse de toute la démarche de ce Tous ensemble ? 

Nous sommes partis d’une idée originale de Dimitri KENNES. Nous voulions concilier un bon scénario avec des compétences permettant de travailler la question de la lutte contre les discriminations, ici le racisme. C’est pourquoi Dimitri nous a rassemblés : Joris CHAMBLAIN, scénariste, Michel MOMMAERT, psychologue, Valérie DEVIS, pédagogue et criminologue. Nous voulions toucher les enfants et les ados par la BD en alliant un scénario qui pouvait les toucher avec, en trame de fond, le contenu psychologique qui pourrait leur permettre de grandir en pleine conscience des actes qu’ils posent, consciemment ou non, et comment ils peuvent guider leurs comportements selon les valeurs qu’ils veulent défendre.

L’écriture d’un scénario de BD jeunesse n’est pas ce qui vous est le plus coutumier, quel enrichissement cela vous a-t-il apporté ?

Effectivement, ce n’est pas notre métier. Nous avons découvert le monde fascinant de la BD, comment elle se construit avec son scénario, ses dessins, ses couleurs, sa mise en page. Nous avons construit au fur et à mesure, avec des allers-retours, avec Joris. Le plus enrichissant, outre la découverte d’un autre monde, a sans doute été le travail de maillage pour concilier le scénario, la créativité et la justesse des concepts psychologiques, sans les dénaturer, en les rendant accessibles à un jeune public.

Comment assure-t-on un bon équilibre entre les nécessités d’un scénario et « votre nécessité » de délivrer un message juste et complet et suffisamment percutant et simple que pour atteindre son objectif auprès de ce public ? Au départ, c’est un album jeunesse, mais il est audible pour un public plus âgé ?

Joris est un scénariste renommé, qui sait comment parler aux jeunes. Michel jongle avec les concepts psychologiques et la recherche qui y est liée. Valérie a une longue expérience des jeunes. Nous avions tous les trois cet objectif permanent d’arriver à un message éclairant et juste, en évitant le piège de l’ennuyeux parent ou prof moralisateur. Alors nous avons partagé avec Joris les concepts qui nous paraissaient importants à mettre en valeur. Nous avons eu de longs moments d’échanges pour concilier les besoins d’un scénario percutant avec des concepts étayés scientifiquement. Nous avons opéré beaucoup d’allers-retours et d’échanges entre nous pour concilier tout cela dans un langage qui devait rester accessible aux jeunes, sans devenir simpliste. Nous voulions également que la BD parle aux adultes et que par les pages « psycho » ils puissent eux-mêmes s’approprier le contenu ou guider les plus jeunes lecteurs.

Les explications sont simples sans jamais être simplistes, c’est la bonne recette ? Un bel exemple n’est-il pas la description des émotions primaires, de leur rôle vital dans notre développement personnel et avec les autres ?

Il n’y a jamais vraiment de recette toute faite. Nous voulions préserver cet équilibre : rendre le message et les concepts psychologiques accessibles, en restant juste, sans devenir simpliste. Nous avons la conviction qu’il faut faire confiance aux lecteurs, si jeunes soient-ils, ils ont des compétences et beaucoup de capacités à recevoir et intégrer des messages qui les touchent. Cela aurait été une erreur d’utiliser des discours ou du vocabulaire trop simplistes. Les émotions, nous les vivons chaque jour, quel que soit notre âge, alors oui, les appréhender en connaissance de cause nous paraissait incontournable tant pour leur développement personnel que dans la vie en société. Tous ensemble permet de comprendre les émotions et donne quelques clés de lecture et d’évolution à ceux qui veulent s’en saisir.

Quelle est l’importance du développement de l’intelligence émotionnelle ? Si elle concerne, dans le cas présent, le milieu sportif et le haut niveau, elle s’applique à tout le monde, dans la vie de tous les jours ?

C’est fondamental pour reconnaître ses propres émotions et les comprendre, pour percevoir les émotions des autres et les interpréter. C’est une compétence sociale de base, pour chacun, dans la vie en société, qui permet de mieux se comprendre soi-même et de comprendre l’autre, d’ajuster ses comportements pour une vie sociale la plus équilibrée possible. L’intelligence émotionnelle peut se travailler, évoluer, elle permet également d’aligner ses comportements aux valeurs que l’on souhaite défendre.

Lutter contre les préjugés et les discriminations, est-ce d’abord réfléchir dès le plus jeune âge ?

Et par moments se poser des questions sur sa propre culture et sa propre éducation ?
La culture et l’éducation posent des bases. Mais rien n’est immuable. À tout âge, nous pouvons réfléchir, grandir, changer nos croyances, notre regard sur le monde. Les préjugés et les discriminations sont le propre de l’humanité, ils existent dans toutes les cultures, à tous les âges. Il s’agit en tout cas d’en prendre conscience, de se questionner sur les valeurs que l’on souhaite défendre, si c’est bien notre idée sur le monde. Prendre conscience de ses préjugés, des discriminations que l’on véhicule ou que l’on induit, même inconsciemment, c’est déjà un premier pas.

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